Le 17 mai 2016 • par Alison Pourquoi n’y-a-t-il pas d’éléphants sur notre blog ? Parce qu’un éléphant, ça trompe énormément. Et parce que ce jeu de mot douteux s’applique parfaitement à l’article très sérieux que je m’apprête à écrire. [Avertissement : attention aux enfants qui lisent et aux âmes sensibles.] Nous avons passé plusieurs mois en Asie et avons eu tout le temps de chercher un moyen sympa d’approcher les éléphants. C’était peut-être une occasion unique dans notre vie et la balade à dos de pachyderme était tentante. Comme je suis sensible à la cause animale, généralement je me renseigne avant de me lancer. Bien m’en a pris. Comment maîtrise-t-on un éléphant ? Tous ces éléphants d’Asie qui travaillent dans l’agriculture, le bâtiment ou le tourisme ont leur propre « cornac », c’est à dire un maître en charge du dressage et des soins. Un éléphant d’Asie, c’est 3 à 5 tonnes de muscles et d’intelligence à contenir. Alors comment faire pour rendre un éléphant docile et lui faire accepter chargements et nacelles pour touristes ? Il existe un rituel appelé « Phajaan » qui signifie littéralement « broyer l’éléphant ». La méthode est relativement simple : on capture un éléphanteau, on l’isole de son groupe et on lui fait subir diverses tortures pour le soumettre. Entre autres, chacun de ses membres sont attachés à un poteau pour l’empêcher de bouger, il est battu aux endroits les plus sensibles, électrocuté, affamé et assoiffé pendant plusieurs jours, jusqu’à une semaine. Lorsque l’éléphanteau a abandonné tout espoir de se défendre et est soumis à l’homme, alors commence son dressage. Selon un article du blog Seth et Lise, dont je n’ai pas vérifié les chiffres mais qui m’a inspiré pour écrire celui-ci et que je vous conseille de lire, beaucoup de mères meurent lors des captures car elles défendent leur petit, et beaucoup de petits ne résistent pas au Phajaan (ils meurent ou deviennent fous). Le business que l’on cache aux touristes Nous voilà donc avec un éléphant brisé prêt à faire des petits tours au soleil avec des touristes heureux sur son dos. L’animal va donc passer ses journées à se promener avec une nacelle parfois blessante et trop lourde (en fonction du nombre de touristes qui montent). Il aura peu de temps de repos pour boire et manger suffisamment à son rythme. En fin de carrière, le pachyderme aura rapporté des milliers de dollars et sera usé, bon à croupir dans un champ abandonné jusqu’à ce que mort s’ensuive. Sauvetage d’éléphants, orphelinats, éco-tourisme… Autant de jolis mots emprunts d’éthique pour attirer le touriste informé et consciencieux auprès d’éléphants rescapés. Attention, je ne dis pas que tous ces centres sont une arnaque, non. Je dis qu’on assiste là à un autre business lucratif même si plus responsable. En apprenant l’existence du Phajaan, je me tourne vers ces camps d’éléphants différents et envisage une semaine de volontariat où l’on s’occupe d’eux (soins, repas, bains à la rivière). On peut toujours monter les éléphants mais à cru et leur rythme de vie est respecté. S’ensuivent des heures de recherches sur internet pour trouver le parc et l’état d’esprit qui me conviennent. Je tombe sur des « éco-réserves » où les éléphants ne sont pas des forçats certes, mais ils doivent quand même jouer au foot (!) ou faire de la peinture avec leur trompe (!!!) pour amuser la galerie. Finalement je trouve le bon camp, petit, familial, intime, et à l’opposé du « cirque ». Je remarque que dans la plupart de ces parcs, les bénévoles doivent payer pour venir travailler, concept relativement étrange. Mais je suis prête à ça pour vivre une semaine unique et exceptionnelle. C’est l’éléphant qui se mord la queue Après avoir contacté le parc qui me plaît, j’essuie un refus car ils ont des bénévoles pour toutes les semaines à venir. Dommage, j’avais peiné (mais réussi !) à convaincre Thibaud de ramasser de la bouse d’éléphant toute la semaine et il avait fini par accepter son sort. 🙂 Nous n’approcherons pas les éléphants cette fois ci. Tout bien réfléchi, c’est peut-être mieux comme cela. Les éléphants de ces parcs sont des rescapés des tours pour touristes et s’ils n’avaient pas subi le Phajaan et l’exploitation, ils ne seraient pas là. Ces parcs éthiques n’auraient personne à sauver, et ils n’existeraient pas. Plus de business. Comme nous le faisait très justement remarquer la responsable d’une réserve de gibbons il y a quelques mois, le système est vicieux : les braconniers capturent des animaux, font du fric avec, sont dénoncés. Les animaux sont sauvés, soignés, remis en liberté, et les braconniers peuvent les reprendre, les exploiter à nouveau, etc. Le seul à qui ce système de braconnage-sauvetage ne profite jamais, c’est l’éléphant. Même situation pour les autres animaux. Nous avons entendus parler de bébés gibbons drogués pour tenir toute la nuit dans les discothèques de Thaïlande, ainsi les touristes peuvent se prendre en photo avec eux et se faire mousser sur Facebook, c’est la classe. Des ours à collier, capturés pour leur bile (et torturés pour en produire en continu pour la médecine chinoise, passons les détails) vivent dans des zoos au Laos car ils ne sont plus en sécurité dans la nature. Voilà. Il ne faut pas en vouloir aux touristes ignorants qui ne se doutent pas des horreurs qu’ils financent. Mais chacun peut se renseigner et en parler autour de lui, à un collègue qui part en Asie, à ses parents, ses amis. Chacun a sa petite part de responsabilité dans la diffusion de l’information. La prochaine fois que vous partirez pour une destination exotique, si vous voyez des animaux utilisés par l’industrie touristique, demandez vous : comment sont-ils arrivés là ?
ça fait froid dans le dos… J’avais déjà entendu parler de torture sur les éléphants à touriste mais pas à ce point. Répondre
Pour apporter un point de vue contradictoire à cet article très partial, je t’assure que si TFO n’avait pas subi un Phajaan en bonne et due forme à son arrivée au CEA, il n’aurait pas acquis aussi rapidement les connaissances techniques qui lui ont permis d’assurer la sécurité des centrales nucléaires françaises pendant de nombreuses années. Répondre
Ah oui je te savais aimante des animaux mais à ce point là je trouve que ça a finalement du bon de s’intéresser à ces petites bêtes qui nous entourent, merci pour ces infos ! Répondre
Merci pour ces précieuses informations. Reste donc à financer/aider les réserves, en plus de l’éducation de nos concitoyens 🙂 C’est en tout cas toujours un plaisir que de vous suivre et découvrir par le petit bout de la lorgnette les particularités locales. Bonne route au frais ! Répondre
Ce que je crains c’est que sous couvert de réserves éthiques, on lance un business lui aussi juteux. Les animaux seront plus respectés mais toujours exploités d’une certaine façon. Alors financer les réserves oui, mais en les sélectionnant ! Répondre
Merci Alison pour cet article. En France, je me suis posée la question du dressage les 3-4 fois où j’ai emmené les enfants au cirque avec des animaux. A fouiller… Répondre
En général les éléphants des cirques ont aussi subi le Phajaan avant d’être vendus en Europe (je parle des éléphants d’Asie). La question se pose pour la plupart des animaux sauvages (lions, dauphins, orques des parcs de loisir). Répondre